Brahms J. - Concerto pour piano 1 en ré-op 15

Le premier concerto pour piano de Johannes Brahms est le fruit d'un processus créatif complexe, long et extrêmement éprouvant. Son origine remonte à une sonate en ré mineur pour deux pianos conçue au printemps 1854. L'impulsion qui a conduit à la création du thème principal fut cependant un événement choquant : selon Joseph Joachim, le thème est né « après avoir entendu parler de la tentative de suicide de Schumann ». Quelques mois plus tôt, Schumann avait révélé Brahms au monde musical dans son essai « Nouveaux chemins ». Dans cet article, Brahms est loué comme le musicien qui « est appelé à exprimer de manière idéale les sentiments de son époque ». La genèse inhabituellement rapide de la sonate en ré mineur et son atmosphère essentiellement sombre et monumentale peuvent être interprétées comme une réponse compositionnelle passionnée à la tentative de suicide de Schumann. Cependant, la lutte de plusieurs années pour parvenir à la forme finale de l'œuvre doit peut-être aussi être considérée dans le contexte de l'éloge retentissant de l'article prophétique de Schumann. Brahms ressentait sans aucun doute une pression intérieure croissante pour répondre aux attentes suscitées par cette œuvre. Brahms joua avec Clara Schumann les trois mouvements de la sonate, mais il était très critique envers lui-même. Il estimait qu'il n'avait pas pu réaliser la monumentalité qu'il avait imaginée et que Clara Schumann ressentait en se contentant de doubler le son du piano. Il décida bientôt de transformer la sonate en symphonie (son premier projet orchestral). Mais cette idée ne semblait pas non plus correspondre à sa vision. Ce n'est qu'au printemps 1855 qu'il trouva la solution définitive : un concerto pour piano. Avec Brahms comme soliste, ce concerto fut créé en 1859, mais il n'eut au départ que peu de succès. Il écrivit à Joachim à propos de l'une des premières représentations que le concerto était un « échec brillant et indéniable ». Cela ne surprit guère Brahms, car il était sans doute conscient de la nouveauté de l'œuvre, qui dépassait les attentes du public. La structure complexe de l'œuvre et ses dimensions symphoniques, le rejet par la partie soliste de toute brillance élégante et voyante, et la densité orchestrale typiquement brahmsienne qu'elle maintient tout au long de l'œuvre ; toutes ces qualités ont inévitablement exaspéré le public au début – jusqu'à ce qu'il élève cette œuvre au rang des concertos les plus célèbres de tous les temps.